Comme expliqué lors de notre dernière note explicative, la sortie de l’hiver 2022-2023 aura été marquée par un retour à des niveaux de prix cohérents avec la réalités des fondamentaux du nouvel échiquier gazier européen : un hiver tempéré ayant épargné les stockages gaziers souterrains et permis une reconstitution normale des stocks durant l’été 2023, un approvisionnement en GNL relativement constant et soutenu malgré la réorganisation géographique des importations à l’échelle européenne et, enfin, une baisse structurelle de la demande. Cette réallocation des sources d’imports ne s’effectue pas à des niveaux de prix semblables à ceux de la période 2016-2021 en raison notamment de la diversification des sources d’approvisionnement (Australie, US, Qatar) mais a permis de grandement stabiliser des prix, qui sur les marchés courts et moyens-termes connaissaient encore il y a un an des niveaux jamais égalés.
Une prise de hauteur s’impose. Si à la même époque l’année dernière, le marché marquait encore ostensiblement au-dessus de la barre des 100 Eur/MWh, il s’établit aujourd’hui dans un corridor relativement stable entre 25 et 50 Eur/MWh depuis le 1er avril 2023.
1.Déroulement des prix en juin et juillet 2023 (1/ sur notre graphique)
La période de Juillet /Août est généralement dédiée aux maintenances sur les grandes plateformes d’extraction et notamment en Mer du Nord et en Norvège. L’été voit également la liquidité des marchés diminuer en raison des congés. Le même phénomène a été observé l’année dernière, dans un tout autre registre, puisque le rallye haussier enregistré cet été-là a trouvé son origine dès la mi-juin 2022 avec des records dont nous subissons encore aujourd’hui les conséquences.
La situation 2023 est cependant restée moins comparable puisque :
Une rapidité tout à fait inédite ayant grandement contribué à maintenir les prix sous la barre des 50 Eur/MWh
Lors de notre dernière note de marché, nous faisons état d’une interruption fortuite de l’usine de traitement de gaz naturel de Nyhamna (Norvège) annoncée le 13 Juin 2023. Précédemment à cette annonce, le marché, jusqu’alors dopé par l’arrivage régulier de GNL et un prix plancher record de l’année autour des 25 Eur/MWh connaissait un revirement brutal avec un retour aux 40 Eur/MWh. Les craintes d’une prolongation de cette interruption au-delà de la période d’un mois annoncée alors mettait en péril la trajectoire de reconstitution des stockages gaziers souterrains. Cet évènement conjugué avec les maintenances habituelles des plateformes norvégiennes ayant lieu généralement en août chaque année faisait donc craindre des difficultés à venir.
Suite à la remise en service de l’usine de traitement à la mi-juillet, le marché s’est détendu tout en restant vigilant sur d’autres possibles évènements imprévisibles susceptibles de venir perturber la préparation de l’hiver 2023/2024.
2. Déroulement des prix en août 2023 (2/ sur notre graphique)
Cotant alors autour des 30 Eur/MWh à la fin Juillet, le marché entame avec confiance le mois d’août jusqu’aux premiers signes de difficultés émanant cette fois d’un autre pays exportateur de gaz naturel vers l’Europe, certes lointain, mais comptant toutefois pour près de 7% des exports mondiaux : l’Australie.
Un poids-lourd du secteur, Chevron, voit le climat social et les revendications des collaborateurs sur les unités techniques de liquéfaction avant chargement sur les tankers se détériorer. La reconfiguration du marché actuel mondial et notamment européen voit ainsi toute modification susceptible de perturber l’équilibre comme menaçante et la volatilité des prix s’en ressent ainsi immédiatement jusque les places de marchés continentales.
Alors en pleine période de maintenance et donc de moindre disponibilité des infrastructures pipeline norvégiennes, l’Europe accueille cette nouvelle avec défiance et les prix reviennent se stabiliser en plein été autour des 40 Eur/MWh.
3. Déroulement des prix en septembre 2023 (3/ sur notre graphique)
Le marché européen ayant atteint la quasi pleine capacité de ses stockages souterrains dès le début septembre, ce sont encore les évènements en Australie qui viennent animer les prix durant le premier mois d’automne alors que l’Europe connait encore des températures records bien au-delà des normales de saison.
Source gas.kyos.com
Le marché culmine brièvement à 45 Eur/MWh le 20 septembre dernier avant de revenir se positionner légèrement sous la marque des 40 Eur/MWh à l’approche du tournant vers le mois d’octobre et le possible démarrage de la saison de chauffage.
4. Depuis le 1er octobre 2023 (4/ sur notre graphique)
C’est un marché fébrile et fragilisé par des incertitudes d’ordre géopolitique et social qui entame ainsi le mois d’octobre 2023 avec une accélération brutale de la hausse des prix dans la sillage de différents évènements venant perturber le fragile équilibre de début d’automne :
L’impact direct sur la capacité d’approvisionnement de l’Europe reste limité car les puits iraéliens ne desservent directement l’Europe. Cependant l’impact psychologique perdure dans un marché nerveux
Conclusion et développements possibles dans les prochaines semaines
La réaction récente du marché à la hausse reste pour le moment protégée par le plafond des 50 Eur/MWh. Malgré les incertitudes géopolitiques actuelles, le marché reste encore dans des dispositions très favorables en ce début d’hiver
On peut ainsi dégager divers scenarii possibles de retour à la normale une fois les récentes mauvaises nouvelles digérées et un retour confirmé aux fondamentaux.
La période que nous connaissons actuellement n’est pas favorable à une détente brutale du marché sauf prolongation de températures bien au-delà des normes durant tout le mois d’octobre. Les semaines à venir préfigurent les scenarii possibles de développement des prix durant l’hiver et le marché teste une nouvelle fois ses limites hautes. Cependant, l’observation des conséquences des évènements récents conjuguée à des circonstances moins catastrophistes que l’année passée sur le passage de l’hiver pourrait maintenir le corridor entre 25 et 50 Eur/MWh comme scenario privilégié durant l’hiver. Une gamme de prix large donc mais représentative de la variabilité des prix à laquelle l’Europe est désormais confrontée dans cette nouvelle donne du gaz mondial. Une réévaluation des stratégies serait à adopter si le marché Mois + 1 devait retrouver des niveaux durables au-delà des 55 Eur/MWh.